Cataracte et uvéites
Questions - réponses avec le docteur Nathalie BUTEL, Ophtalmologue à la Pitié-Salpêtrière
Parues dans le Tyndall n° 55 de septembre 2018.
Sur la cataracte en elle-même, voir l’article Cataracte (généralités).
Une uvéite peut-elle induire une cataracte ? Pourquoi ?
Oui, une uvéite peut induire une cataracte par deux mécanismes :
- La conséquence directe de l’uvéite qui est l’inflammation intraoculaire induit selon la sévérité de l’uvéite une opacification du cristallin plus ou moins marquée, soit une cataracte.
- L’autre voie d’induction d’une cataracte est celle liée au traitement de l’uvéite par une corticothérapie, qu’elle soit locale ou orale, donnée au long cours. À forte dose, les corticoïdes sont pourvoyeurs de cataractes spécifiques dites sous capsulaires.
Certaines formes d’uvéite sont-elles plus particulièrement concernées ?
Oui, les uvéites sévères quelles que soient leurs étiologies sont particulièrement, via les mécanismes inflammatoires, propres et thérapeutiques, pourvoyeurs de cataracte.
Certaines étiologies d’uvéites, comme l’irridocyclite de Fuchs (uvéite liée au virus de la rubéole) donnent des cataractes dans 1 cas sur 2, localisées sur la face postérieure du cristallin.
Les uvéites dans le cadre de maladies rhumatismales comme la spondylarthrite ankylosante sont des uvéites sévères très protéiques (avec des flares très élevés) qui vont favoriser également plus rapidement l’évolution vers une cataracte, d’autant plus qu’elles nécessitent de fortes doses de cortisone pour contrôler l’inflammation.
Les deux yeux sont-ils concernés ? Si oui, est-ce pareillement ?
Non pas forcément, les uvéites dans le cadre de maladies systémiques (maladies générales) auront plus tendance à atteindre les deux yeux, et pas nécessairement parallèlement.
D’autres uvéites, telles que les uvéites d’origine virale ou les uvéites dites idiopathiques (dont la cause n’est pas retrouvée) sont plus fréquemment unilatérales.
Quelles sont les caractéristiques d’une cataracte chez le patient souffrant d’uvéite ?
L’âge du patient est souvent plus jeune que celui d’un patient ayant une cataracte liée à l’âge.
Par ailleurs il s’agit plus souvent de cataracte se localisant uniquement sur la face dite corticale ou sous capsulaire du cristallin, plutôt qu’une opacification homogène du cristallin comme dans la cataracte d’involution.
Il s’agit fréquemment de cataractes avec des synéchies, c’est-à-dire des accolements entre le cristallin qui s’est opacifié et l’iris (qui définit la couleur de l’œil).
La cataracte peut-elle gêner dans la réalisation de certains examens ? Lesquels ? Pourquoi ?
Oui la cataracte peut rendre compliquée voire impossible la réalisation de certains examens nécessitant une bonne transparence des milieux, comme le fond d’œil et tous les examens complémentaires rétiniens (OCT, angiographie).
Quand décide-t-on d’opérer ?
On décide d’opérer une cataracte lorsqu’elle devient gênante pour le patient en termes d’acuité visuelle ou de confort visuel (baisse d’acuité, halos, flou prononcé) ou bien lorsque la surveillance nécessaire de l’œil est rendue impossible du fait de la densité du cristallin.
On peut également être amené à opérer en urgence une cataracte lorsqu’elle bloque le système de filtration de l’œil et entraîne une hypertonie oculaire sévère.
L’opération est-elle plus délicate chez les patients atteints d’uvéites ?
Oui l’opération est plus délicate chez les patients atteints d’uvéites pour plusieurs raisons :
- Il faut prévenir le risque de réveil inflammatoire que peut causer l’acte chirurgical, par un protocole anti-inflammatoire adapté à chacun.
- L’acte chirurgical en lui-même est souvent plus délicat du fait des accolements entre l’iris et le cristallin, de la jeunesse du patient (plus de stress) et de la visibilité opératoire parfois moins bonne en raison de séquelles inflammatoires sur la cornée, ainsi que le corps vitré.
Quelles sont les précautions à prendre plus particulièrement chez les patients atteints d’uvéites avant et après l’intervention ?
Les précautions particulières à prendre en cas de chirurgie de cataracte chez un patient avec un terrain d’uvéite sont :
- Attendre un minimum de 3 mois de non inflammation intraoculaire.
- Choisir un protocole de prévention du rebond inflammatoire adapté à l’étiologie et la sévérité de l’uvéite, qui pourra être maintenu plusieurs semaines après la chirurgie en fonction du cas.
- La surveillance post opératoire est plus rapprochée et se fait de façon clinique mais également para clinique (flare et OCT de la macula à chaque contrôle).
Si les deux yeux sont à opérer, quel est le délai entre les deux interventions ?
Toujours en fonction de l’uvéite, le delta entre les deux yeux peut être court (15 jours) dans le cas d’une uvéite ancienne et calme depuis longtemps, comme plus long en cas d’uvéite avec critères de sévérité (maladie de système, antécédent d’œdème maculaire, flare pré opératoire élevé, uvéite très synéchiante).
Quels sont les risques plus particulièrement liés aux uvéites ?
Il se peut que l’implantation du cristallin artificiel (lentille en acrylique) ne puisse pas être faite pendant le temps chirurgical d’extraction du cristallin, et doive être faite lors d’une seconde intervention.
Il peut aussi arriver qu’un cristallin pathologique ne puisse pas être aspiré correctement et que des fragments tombent dans le corps vitré, ce qui nécessite une seconde intervention par un chirurgien spécialiste de la rétine.
Existe-t-il des cas de cataractes plus complexes (exemple synéchies irido-cristalliniennes)
Oui et c’est la majorité des cas concernant les cataractes sur uvéites qui sont en général plus fragiles à opérer que des cataractes d’involution physiologique.
Ceci est en effet d’autant plus vrai que la cataracte présente des synéchies complètes, ou encore qu’il s’agisse d’une cataracte blanche (opacification totale privant d’une rétro illumination qui aide à la bonne visibilité lors du geste chirurgical).
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